La Ferme de

Béatrice Staehli

Tableaux de plumes

L’animal est au cœur des recherches artistiques de Béatrice Staehli. D’origine zurichoise, elle vit actuellement au Tessin après avoir passé quinze ans à Vienne où elle a entamé une réflexion pour le moins caustique sur la société de la capitale autrichienne. Mobiles monumentaux faits de pattes de vaches déguisées en danseuses classiques, bassets empalés sur des colonnes de boîtes de conserve, dobermans mimant les petits chanteurs de Vienne: autant de travaux qui revisitent la relation entre culture et nature et mettent en avant les liens parfois dégénérés entre l’homme et l’animal domestique. Bien que dérangeant, puisqu’il s’agit de bêtes taxidermées, ce travail puissant avait bénéficié d’une juste reconnaissance lors de l’importante exposition consacrée à l’œuvre de Béatrice Stähli au Museum für angewandte Kunst de Vienne, en 1998.

 

Son intérêt pour l’animal s’est développé vers la gent ailée lorsqu’elle a eu l’occasion de racheter le stock d’un plumassier viennois des années 30. Béatrice Stähli se lance alors dans des réalisations faites de plumes, d’ailes ou même d’oiseaux entiers. Vue la quantité et l’infinie variété de ce stock, l’artiste a pu utiliser ce matériel comme une véritable palette de couleurs : les teintes chatoyantes, les noirs moirés, les blancs irisés des plumes magnifient la lumière et conservent cette beauté intrinsèque qui fait déjà l’éclat de l’oiseau dans la nature. L’homme utilise d’ailleurs depuis longtemps ces apparats somptueux pour attester de sa condition de chaman ou de chef de tribu. Au-delà de l’esthétique, il lui a conféré une valeur poétique et magique. Les mythes et les contes de fées sont riches d’histoires où la plume est investie de pouvoirs magiques. Elle représente aussi la capacité des volatiles de se déplacer dans les airs, chose que l’être humain a envié depuis longtemps à l’oiseau. D’Icare à Léonard de Vinci et jusqu’aux machines modernes, l’homme n’a eu de cesse de parvenir à voler. Mais derrière ces aspects symboliques plane aussi l’ombre de la mort bien sûr, et celle de la contestation, qui n’abandonne jamais les préoccupations de l’artiste. Le visiteur est ainsi balloté entre plaisir esthétique et esprit critique, deux sentiments contradictoires d’où naît une fascination puissante et contrastée.