La Ferme de

Bernard Garo

Au-delà du Sud

Avec Fusions ardentes, titre donné à cette série de peintures centrées sur l’Islande, Bernard Garo entame la deuxième partie de son projet quadripartite qui explore les limites du monde occidental (ARIL, soit Alexandrie, Reykjavik, Istanbul et Lisbonne). La thématique des villes, sujet privilégié chez cet artiste, est lié au concept plus large de frontières géographiques, culturelles, sociologiques, humaines et aussi corporelles. Qu’y a-t-il au-delà de la barrière, qu’est-ce qui définit une limite: autant de questionnements auxquels il tente de répondre à travers la peinture, bien sûr, mais également dans une approche pluridisciplinaire, avec des performances, mêlant arts plastiques, danse, textes et musiques, et mises en scène par l’association Dernière Tangente dont il est co-fondateur avec Eric Fischer et François Chattot.
Comme dans ses séries précédentes sur Barcelone, Basel, Berlin ou Alexandrie, l’artiste s’est concentré ici sur un aspect particulier et emblématique du pays. Il avait choisi les pyramides, pour Égypte, comme symbole de cette civilisation fondatrice du monde occidental. Plus géologiques, les peintures sur l’Islande représentent la fusion entre la roche, la lave qui remonte vers le ciel, et la glace qui recouvre les volcans, comme un paradoxe constant.

Cet oxymore sublime est magnifié par des contrastes de teintes et une monumentalité à laquelle l’artiste nous a désormais habitués. Vivante, la matière semble se défaire sous nos yeux, la terre s’ouvrir sur les cratères béants que Garo représente souvent en vue plongeante, afin de nous y aspirer dans un vertige fascinant. Une irrépressible envie s’empare alors du visiteur, celle de se fondre dans ces pâtes généreuses, de se noyer dans ces bleus et ces bruns aux infinies variations, de se fondre dans ces rochers incandescents d’où semblent émaner les âcres senteurs du soufre.
La fascination pour les volcans, inféodée à la peur ancestrale que ces monstres antiques suscitaient chez nos ancêtres déjà, nous relie à nos origines culturelles, à ce respect profond pour les forces naturelles impossibles à maîtriser. Montagnes mystérieuses recelant le magma primordial, les volcans apparaissent dans les peintures de Garo comme les gardiens silencieux d’un passage dévoilé entre le monde des vivants et les entrailles souterraines.

/// Bernard Garo