La Ferme de

Rachel Maisonneuve
Virginie Jaquier

Entrailles

Virginie Jaquier et Rachel Maisonneuve ne se connaissaient pas avant cette exposition. Lors de leurs rencontres pour préparer cette dernière, elles se sont familiarisées avec leurs imaginaires respectifs et ont conçu des œuvres qui dialoguent entre elles.
Le langage artistique de Rachel Maisonneuve se façonne par le verre et la terre, matières des arts du feu qu’elle a appris à maîtriser lors de sa formation. A travers la transparence de l’un et la masse primordiale de l’autre, elle traduit en formes symboliques des thématiques liées à la maternité, la sensualité, la sexualité et la mort. Son travail est le plus souvent présenté sous forme d’installations, monumentales ou intimistes. Ainsi les visiteurs avaient pu voir un tumulus lors de l’exposition en plein air à Môtiers en 2015 et les Balançoires de Lumière, à Strasbourg en 2009, composées de quelque deux cents plaques en verre suspendues dans l’espace et le reconstruisant par des effets de transparence et de réflexions.
A la Ferme de la Chapelle, elle a conçu trois univers distincts qui se répondent comme les étapes d’un parcours initiatique. Le premier est un rituel de passage, matérialisé par des boules en pâte de verre opaque dont s’échappe par des orifices de la poudre de charbon laissant au sol des dessins aléatoires. L’objet devient ici un instrument de dessin qui se crée à partir d’une matière détruite et raconte une histoire. L’œuvre s’accompagne d’une fiction, inventée par l’artiste, qui interroge la forme à donner à un corps mort pour le faire sortir de cette dernière fonctionnalité qu’est le décès, et qui transforme le processus de deuil en celui de création artistique. Une deuxième installation présente des pétales en verre, sections de grandes sphères transparentes, éparpillées dans l’espace. La rondeur et la fragilité suggérées par ces formes renvoient à la maternité, interrompue ici par leur démantèlement en fragments épars.

L’espace en sous-sol, troisième lieu occupé par les œuvres de Rachel Maisonneuve, est habité par des présences fantomatiques, composées d’objets en terre cuite recouvertes de tissus en suspension dans le vide, formes organiques qui renvoient encore à la féminité et à la sensualité.
Entre l’un et l’autre de ces espaces, le visiteur transite devant les grands dessins de Virginie Jaquier. A l’aide du fusain, avec un rendu velouté et sensuel, l’artiste a promené son imaginaire dans les tréfonds de la terre pour en extraire racines et tubercules.
Le travail de Virginie Jaquier se fait dans la lenteur, par séries, dont elle explore chaque recoin. Ciels parsemés de nuages, étranges champignons ou viscères, on reconnaît sans équivoque à chaque fois sa manière d’aborder frontalement le sujet, le laissant envahir tout l’espace de la feuille.
La dernière série intitulée «Under» laisse apparaître des formes se dégageant subtilement du fond sombre par une brillance incertaine. En suspension dans une obscurité enveloppante, ces protubérances semblent flotter dans une masse indéterminée, isolées ou agglutinées en grappes. La dimension des dessins leur confère une présence à la fois mystérieuse et inquiétante, dû en partie aussi au glissement sémantique qui passe inexorablement du végétal au viscéral. La vibration des dégradés et le scintillement du fusain provoquent une sorte de palpitation des surfaces qui donne vie à ces masses. De la terre abritant des racines végétales, l’interprétation permet d’y reconnaître aussi un ventre maternel symbolique abritant la vie. Ces dessins répondent dès lors aux interventions artistiques de Rachel Maisonneuve en les ancrant dans une autre forme de représentation poétique.

/// Virginie Jaquier
/// Rachel Maisonneuve