La Ferme de

Gianluigi Maria Masucci

Ecriture du mouvement

Pour Alberto Giacometti, «les figures ne sont jamais une masse compacte, mais comme une construction transparente». Si une figure immobile s’entoure d’un espace fermé, explique-t-il, une figure en mouvement ouvre au contraire l’espace. Gianluigi Maria Masucci réalise ses peintures en gestes idéographiques portés tant par l’énergie qu’ils contiennent que par l’espace qui les entoure. Ses compositions, transcrites en des foules denses et bruyantes, esquissent des forces intérieures et ouvrent des perspectives. La tâche ne se réduit pas à une trace, elle est le témoin condensé d’une relation à l’art depuis l’enfance, d’une expérience avérée en théâtre, d’études d’architecture, de peinture et d’un intérêt prononcé pour les arts numériques.
Témoin des pérégrinations de son aventure intérieure, la tache reflète la compréhension du monde tel qu’il est perçu par le jeune artiste napolitain. Sur les établis de son atelier, ni mescaline ni souffrance pour coucher sur le papier son écriture gestuelle familière en apparence du travail d’Henri Michaux – connu pour son angoisse métaphysique. Gianluigi Maria n’est pas à la recherche insatiable d’un moyen de s’échapper, il est au contraire profondément en lien avec le monde. La caméra lui permet au quotidien de capter son environnement direct : à Naples, l’objectif arpente les hauteurs des ruelles pour attraper les lessives suspendues, ou se concentre sur des corps volubiles et dansants, à Genève, la caméra rend compte du flux incessant et puissant du Rhône.

Les voyages «extérieurs» lui permettent d’éprouver dans un second temps des voyages «intérieurs» dans lesquels il exprime, en atelier, pinceau à la main, l’intensité de l’émotion ressentie et l’énergie vitale. Travail vidéo ou travail à l’encre de Chine, chacun existe par lui-même. Indépendants l’un de l’autre ou conjugués de concert sur le mode installatif, ils multiplient les registres – murmure, puissance, menace, enthousiasme – dans un rythme sec, nerveux, haletant, vibrant. Une syntaxe inventive et répétitive, libre et vivante qui prolonge ainsi l’intérêt porté par les artistes dès les années 1960 pour le déplacement. «No walk, no work», assénait Hamish Fulton. Tout comme lui, Gianluigi Maria Masucci fait de la mobilité un ferment cardinal de son œuvre.
Le déplacement, le voyage, comme essence – car marcher et marcher encore, c’est se souvenir, entrevoir, oublier, insister, redécouvrir. «Sachez que c’est à cette multitude de petites choses que tient l’illusion; il y a bien de la difficulté à les imaginer, il y en a bien plus encore à les rendre. Le geste est quelques fois aussi sublime que le mot, et puis ce sont toutes ces vérités de détail qui préparent l’âme aux impressions fortes des grands événements. » (Eloge de Richardson, Diderot) Les signes réunis dans les pièces de Gianluigi Maria ouvrent l’espace au-delà du support et créent indéniablement l’événement, promesse de changement. //Karine Tissot

/// Gianluigi Maria Masucci