La Ferme de

Ariane Monod
Chantal Carrel

Chantal Carrel et Ariane Monod

De format panoramique, les peintures et les fusains d’Ariane Monod se déroulent sur le mur comme défilent les souvenirs que l’artiste a glanés au long de ses voyages. Ces images qui fluctuent en continu, de par leur forme horizontale et l’enchaînement informel des tonalités, possèdent la qualité évanescente de la mémoire et du rêve, tel un film qui se développe in extenso sous nos yeux. Avec une technique parfaitement maîtrisée, la plasticienne superpose et juxtapose des pigments sur des plaques de métal qui créent un horizon de plusieurs mètres de long aux variations infinies de bleus et d’ocres. Il y a quelque chose de jouissif dans ces harmonies de tons qui s’entremêlent comme des soies chatoyantes et qui créent des atmosphères aquatiques ou aériennes plus que des paysages. Ces derniers apparaissent plus concrètement dans les «panoramiques narratifs», dessinés au fusain sur plaques métalliques, où des éléments végétaux ou urbains, représentés de manière réaliste, alternent avec des plages plus abstraites. Ce constant va-et-vient entre informel et réalisme crée une dynamique presque cinématographique. L’éphémère insaisissable du songe se matérialise littéralement dans l’esquisse murale que l’artiste a réalisée sur l’une des parois de la galerie. Le fusain y laisse la trace passagère du mouvement qui prend corps brièvement pour se transformer en paysage voué à disparaître à la fin de l’exposition.

Aux teintes bleutées des peintures d’Ariane Monod répondent les tonalités d’outre-mer des sculptures de Chantal Carrel, qui les libèrent de leur matérialité géométrique en jouant sur la transparence et les reflets. Assemblages de plaques en bio-résine colorées à l’aide de pigments, ces formes triangulaires ou rectangulaires emprisonnent la lumière et la redistribuent autour d’elles en défragmentant l’espace environnant. L’artiste reformule ainsi les rapports entre les vides et les pleins, entre les volumes et ce qui les entoure par le débordement des couleurs au travers de leur réflexion sur les surfaces où elles reposent. Les frontières entre réel et immatériel volent en éclats lumineux tandis que ces formes, munies souvent de roulettes, appuient l’impression de légèreté donnée par leur aspect translucide et suggèrent un mouvement potentiel. Dans sa dernière série de pièces construites à partir de fines barres de plexiglas, Chantal Carrel souligne des volumes virtuels par un enchevêtrement de lignes qui s’entrecoupent. Elle crée des formes ovoïdales ou des sortes de réceptacles qui emprisonnent la lumière dans leur réseau complexe de filaments, sortes de toiles rigides ou de structures cristallines anarchiques. Proches de l’esquisse, ces formes suggèrent des volumes insaisissables dont la transparence magnifie l’éphémère beauté et le fragile équilibre.
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