La Ferme de

David Weishaar
Jessica Russ

« Lieber Maler, male mir »

Mes peintures sont des paysages mentaux dont les formes évoquent aussi bien des courbes du corps que les aléas de la géométrie. En effet, les formes tracées préalablement au crayon sur la toile doivent être suffisamment ambiguës pour qu’en tant que telles seule l’abstraction réside. L’imbrication de toutes ces formes abstraites prendra la direction d’une certaine figuration. Elle se voudra fuyante, de sorte qu’il sera difficile de la nommer. Puis, c’est le travail de coloriste qui prendra le dessus. Les formes dessinées par les aplats de couleurs font alors autorité, tranchantes, précises, au point qu’aucune concession n’est envisageable. La perspective en devient absente, l’œil ne sachant plus ce qui est en avant ou en arrière-plan. La recherche de couleur est peut-être la partie de mon travail la plus spontanée. J’y fais intervenir le hasard en réinvestissant les « restes » des mélanges de couleurs des toiles précédentes dans mes nouvelles couleurs, créant un « cycle des couleurs » propre à ma peinture, à ma palette. Avec l’apparition de la superposition radicale de lignes sur les aplats colorés, je mets au premier plan le dessin et libère d’avantage le geste. En effet, l’action de dessiner avec le pinceau est pour moi une manière de faire intervenir le mouvement dans des compositions qui évoquent davantage l’immobilité, le temps suspendu. Ainsi deux temporalités se confrontent dans un seul et même espace-temps : celui de la toile peinte. / Jessica Russ

Mon travail concerne la proximité – la proximité de la surface de mes peintures, de mes sujets et du spectateur. Je vois la peinture comme un conduit entre le spectateur et moi, à travers laquelle mes expériences deviennent palpables ou sensibles. Je centre mon travail sur les notions d’amour et de désir, car toutes deux sont des expériences humaines fondamentales, mais également ce qui me marque, ou a pu me marquer, comme différent. Etant confronté à des points de vue sur les expériences queer, le sentiment qu’elles ne reflètent pas ma propre expérience apparaît souvent. Situé entre l’introspection et la reproduction d’apparitions extérieures, je vois mon travail comme une réponse à une déshumanisation subtile mais omniprésente, d’un désir ou d’une identité. Dans mon processus, je recherche des affinités entre des textures, des signes ou des relations entre les couleurs et des moments de ma vie, allant du banal au symbolique. Les différentes manières dont j’approche la surface du tableau articulent ma relation à l’image et façonnent son récit émotionnel. Mes peintures, réalisées à partir de photographies ou de dessins d’observation, représentent des personnes de mon entourage qui me touchent. Je considère les images que j’exploite comme un signe pointant vers l’univers psychologique de la peinture – les couleurs et textures de leur côté apportent leur poids émotionnel. Mettant en avant la couleur et le geste, j’essaie de créer un lien avec le spectateur qui parle de sensations partagées, de corps que l’on habite./ David Weishaar